Violences sexuelles – Le Mal invisible

Vous avez été victime de violences sexuelles?

Vous avez envie de témoigner?


Work in progress 2024 – Témoignages en cours de réalisation

Je venais d’avoir 3 ans, c’était en septembre 2016, quand j’ai commencé à aller à l’école. Il pleuvait et c’était un jeudi quand l’enfer commença.
La soirée était calme. Ma maman allait à la gym. Comme j’étais petite mon père me prenait ma douche quand maman partait. Puis quand il me savonna, pour la première fois il m’enfonça son doigt dans ma partie intime (zézette). Je lui disais d’arrêter mais il continuait. A chaque fois que maman partait, il le refaisait. Et un jour il me demande de laver sa partie intime (zizi). J’ai refusé mais il m’a forcée. Je ne vais pas raconter la suite mais…
Mon père était absent, c’était un samedi en 2017. Un an était déjà passé à supporter mon père. Je ne disais rien car j’avais peur et il me disait « ne dis rien, c’est un secret ». Et puis ce jour là j’ai pris mon courage à deux mains, j’en ai parlé à ma mère. Elle m’a écoutée et crue. Le soir même nous sommes parties. Elle m’a mise en sécurité et nous avons changé de région. Ma mère a porté plainte, mais la Justice ne me croit pas et n’a rien fait pour moi. Je suis obligée d’aller régulièrement chez mon père. 
J’ai maintenant 10 ans. Je n’en peux plus de subir cette situation. J’en viens même à parler de suicide, mais même à l’école on me dit qu’on ne peut rien faire pour moi, les adultes là bas me disent qu’ils doivent rester neutres. Ma maman fait tout ce qu’elle peut pour m’aider, mais la Justice ferme les yeux. Pire, si ma maman ne m’amène pas chez mon père on lui dit qu’elle devra payer de l’argent et qu’elle risque de perdre ma garde. Et moi je me dis que je dois lutter toute seule.
Ça fait plusieurs années que j’écris des lettres à tout le monde, à l’école, au juge des enfants, aux éducateurs. Toutes mes lettres sont dans un dossier au tribunal mais personne ne me répond. La Justice n’a rien fait pour m’aider et je pense que ça ne vaut pas que pour moi. Mon vœu le plus cher c’est d’enfin ne plus devoir aller chez mon père. Et de voir tous ces enfants qui ont besoin d’aide être heureux et écoutés, entendus, comme pour moi.

Témoignage anonyme, jeune fille de 10 ans

Eté 1974, le petit vélo bleu a disparu.
J’ai 7 ans, il fait très beau, je joue avec mon frère et ses copains. Je décide de rentrer à la maison mais mon petit vélo bleu que j’ai garé contre un arbre le temps de jouer au parc a disparu. Lorsque je m’en rends compte je suis seule. Je pleure beaucoup, ma grand-mère et mes parents vont me disputer, c’est sûr. Pourquoi tu pleures petite? J’explique au vieux monsieur qui a l’air gentil qu’on m’a volé mon vélo bleu. Il me répond qu’il a justement trouvé un petit vélo bleu caché derrière un banc devant l’entrée du parc. Il m’emmène près du banc, me montre le vélo, c’est le mien! Comme je suis contente. Il est vraiment gentil ce vieux monsieur. Il me fait asseoir sur le banc et m’explique qu’il a vu des garçons cacher mon petit vélo, que c’est sans doute mon frère et ses copains, pour m’embêter. Je le crois. Il m’emmène dans une voiture qui est garée tout près pour ne pas que tout le monde me voie pleurer, juste le temps de me calmer, c’est ce qu’il me dit avant de me raconter qu’il est triste car sa femme ne l’aime plus. Il dit aussi des choses que je ne comprends pas, il me touche avec ses grosses mains dégoutantes et me montre son zizi… Le cauchemar commence. Je suis pétrifiée, je ne peux plus bouger tellement j’ai peur. Au bout d’un long moment il me fait sortir de la voiture et me laisse partir. Je rentre vite à la maison qui est toute proche (selon Google Map c’est à 4min à pieds seulement). Je garderai le silence. J’ai appris 45 ans plus tard en discutant avec mon frère que ni ses copains ni lui n’avaient caché mon petit vélo bleu. Aujourd’hui mon frère et moi sommes convaincus que c’est l’homme qui avait caché le vélo et mon frère comprend mieux pourquoi j’ai tant changé durant l’été 1974. Je suis devenue distante et triste, j’avais perdu confiance. Même si je sais que je ne suis pas responsable de ce qui est arrivé, j’ai toujours un sentiment de honte.

Témoignage Sabine, 57 ans

 L’inceste étouffe toute la lumière du monde. Je pensais avoir eu une enfance heureuse, je ne savais pas que j’étais atteinte d’amnésie. Lorsque la mémoire a commencé à resurgir à 39 ans, toutes mes fondations se sont effondrées. Revivre en boucle, comme un présent perpétuel, les incestes multiples subis quand j’étais toute petite a été dévastateur. Le cerveau n’arrive pas à archiver le traumatisme, il le déroule encore en encore. Terreurs nocturnes, attaques de panique, phobies, isolement social, agressivité, automutilation, dépression, épuisement, la liste est longue. Toute ma famille en subit les conséquences. Il semble impossible de refaire confiance. Vivre en couple est beaucoup plus difficile. J’ai développé la maladie de Ménière suite au stress post-traumatique. Lorsque jen parle je fais très souvent face à l’incompréhension, au tabou. Je mets mal à l’aise. On m’impose de me taire au motif que je vais faire souffrir les autres. On me dit que je vais tuer mes parents si je leur en parle. On me dit qu’on ne veut pas en parler, que ce que je raconte est trop dur à entendre. Je me bats tous les jours pour réapprendre à voir la beauté du monde. C’est un handicap invisible, il ne se porte pas sur mon visage. Après des années d’errance thérapeutique je cherche encore de quoi améliorer mon quotidien. Le traumatisme complexe (violences répétitives et/ou survenues à un âge précoce) est très difficile à traiter. Je souhaiterais un meilleur accompagnement des victimes comme des agresseurs. Il ne faut pas avoir peur d’aider les coupables pour lutter contre la récidive. Il est indispensable de reconnaître les victimes, de les entendre et les protéger. 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France, 90% ne sont pas crus, pas écoutés, pas protégés (rapport CIVISE 2023). Je cite pour finir un livre difficile à lire, mais tellement pertinent, Le corps n’oublie jamais, du psychiatre Bessel van der Kolk, 2021, Etude (Poche). Merci à cet auteur de m’avoir fait découvrir le neurofeedback, technique encore peu connue du grand public qui m’apporte enfin un espoir de mieux-être pour moi et ma famille. Puisse chaque victime trouver de l’écoute et du réconfort. Merci de m’avoir lue.

Témoignage Aurélie, 43 ans