Vous avez été victime de violences sexuelles?
Vous avez envie de témoigner?
Lili vous propose de réaliser votre portrait en studio (Blois), gratuitement, et de publier votre témoignage
Toute personne est la bienvenue, y compris les enfants
Vous pouvez venir quel que soit votre âge, votre sexe, quel que soit le moment où vous avez été victime, même si cela fait très longtemps
Témoigner est difficile mais peut apporter du soulagement et de la fierté. C’est à vous de voir si cela vous « parle » et si vous sentez que cela peut vous être utile
Des précautions particulières comme l’anonymisation des témoignages ou des photos pourront être prises selon le contexte (enfants, procès en cours par exemple)
Work in progress 2024 – Témoignages et shootings en cours de réalisation
Pour accompagner cette série voici un saisissant poème qui m’a été proposé par l’autrice Lætitia Legrand. Merci à elle de m’autoriser à l’utiliser 🩷
Entends-tu ce mystérieux vacarme
De l’indigeste secret
Qui ta vie durant, t’écrase de son lourd poids mort ?
Gardien de la contenance
Pour préserver les apparences
De cet oppressant décor
Vestige de son tombeau
Qu’il continue de creuser pour toi
Douloureux épitaphe de sommations insensées
Je dépose ici
A tes pieds
La paix sereine
Dont tu m’as si longtemps privée
Je ne me tairai plus.
Silence.
Poème Lætitia Legrand
Témoignages
On n’éprouve jamais tant la confiance que quand on la perd.
— Témoignage Juliane, 32 ans
Je me souviens très précisément du sentiment de honte qui s’est emparé de moi après la confusion. Entre ces deux sentiments, une chute vertigineuse.
Des années que j’apprenais à obéir et respecter l’autorité, au motif que les adultes savaient et qu’il fallait leur faire confiance, aveuglément. Des figures incontestables. Alors, ce truc qui cloche, ce malaise, cette angoisse, cette crasse qui dégouline sur ma peau et me transperce… c’est moi ?
C’est ma faute. C’est la seule explication que j’ai trouvée en moi, dans un système de croyance ancré si fort, qu’il avait résisté aux secousses de ce terrible assaut sur mon corps. Avant même que quelqu’un ne prononce la sentence, je me jugeais moi-même coupable. Des années à ingurgiter l’apprentissage de la soumission. Une vraie p’tite bonne femme.
Cet évènement m’a ravagée, je me suis détestée avec le même dégout que celui qui m’a été adressé. Je me suis abandonnée avec le même désintérêt que mon malheur a suscité. J’ai essayé de faire taire la voix de cette enfant trahie. Ça aurait pu être des tentatives de suicide, ça a été l’alcoolisation. Jusqu’à perdre conscience, pour s’abandonner encore, s’abandonner plus fort. Je suis devenue désespérément vulnérable.
Il y en a eu tant d’autres des adultes défaillants, malintentionnés, violents. Je parle de mains sur mes seins, d’une bouche qui fonce vers la mienne, de propos infantilisants, sexualisants, dégradants. Et tous ceux qui ne me sont jamais venus en aide. J’avais besoin de repères, d’intérêt, d’amour. On m’a dit « salope ».
Après ça, j’entretiens une profonde reconnaissance en ces femmes qui ont cru en moi et qui ont participé à me relever : Minyoté, Clémence, Nicole, Francine, Céline, Muriel, Emmanuelle, Laetitia, Marion, Léa, Anaïs, Nadja, Ketty, Mathilde, Leah, Oriane, Lucie, Anna, Clémence, Liza, Lili. Merci
Je venais d’avoir 3 ans, c’était en septembre 2016, quand j’ai commencé à aller à l’école. Il pleuvait et c’était un jeudi quand l’enfer commença.
— Témoignage anonyme, jeune fille de 10 ans (le portrait de cette jeune fille a été temporairement retiré pour cause de procès en cours)
La soirée était calme. Ma maman allait à la gym. Comme j’étais petite mon père me prenait ma douche quand maman partait. Puis quand il me savonna, pour la première fois il m’enfonça son doigt dans ma partie intime (zézette). Je lui disais d’arrêter mais il continuait. A chaque fois que maman partait, il le refaisait. Et un jour il me demande de laver sa partie intime (zizi). J’ai refusé mais il m’a forcée. Je ne vais pas raconter la suite mais…
Mon père était absent, c’était un samedi en 2017. Un an était déjà passé à supporter mon père. Je ne disais rien car j’avais peur et il me disait « ne dis rien, c’est un secret ». Et puis ce jour là j’ai pris mon courage à deux mains, j’en ai parlé à ma mère. Elle m’a écoutée et crue. Le soir même nous sommes parties. Elle m’a mise en sécurité et nous avons changé de région. Ma mère a porté plainte, mais la Justice ne me croit pas et n’a rien fait pour moi. Je suis obligée d’aller régulièrement chez mon père.
J’ai maintenant 10 ans. Je n’en peux plus de subir cette situation. J’en viens même à parler de suicide, mais même à l’école on me dit qu’on ne peut rien faire pour moi, les adultes là bas me disent qu’ils doivent rester neutres. Ma maman fait tout ce qu’elle peut pour m’aider, mais la Justice ferme les yeux. Pire, si ma maman ne m’amène pas chez mon père on lui dit qu’elle devra payer de l’argent et qu’elle risque de perdre ma garde. Et moi je me dis que je dois lutter toute seule.
Ça fait plusieurs années que j’écris des lettres à tout le monde, à l’école, au juge des enfants, aux éducateurs. Toutes mes lettres sont dans un dossier au tribunal mais personne ne me répond. La Justice n’a rien fait pour m’aider et je pense que ça ne vaut pas que pour moi. Mon vœu le plus cher c’est d’enfin ne plus devoir aller chez mon père. Et de voir tous ces enfants qui ont besoin d’aide être heureux et écoutés, entendus, comme pour moi.
Eté 1974, le petit vélo bleu a disparu.
— Témoignage Sabine, 57 ans
J’ai 7 ans, il fait très beau, je joue avec mon frère et ses copains. Je décide de rentrer à la maison mais mon petit vélo bleu que j’ai garé contre un arbre le temps de jouer au parc a disparu. Lorsque je m’en rends compte je suis seule. Je pleure beaucoup, ma grand-mère et mes parents vont me disputer, c’est sûr. Pourquoi tu pleures petite? J’explique au vieux monsieur qui a l’air gentil qu’on m’a volé mon vélo bleu. Il me répond qu’il a justement trouvé un petit vélo bleu caché derrière un banc devant l’entrée du parc. Il m’emmène près du banc, me montre le vélo, c’est le mien! Comme je suis contente. Il est vraiment gentil ce vieux monsieur. Il me fait asseoir sur le banc et m’explique qu’il a vu des garçons cacher mon petit vélo, que c’est sans doute mon frère et ses copains, pour m’embêter. Je le crois. Il m’emmène dans une voiture qui est garée tout près pour ne pas que tout le monde me voie pleurer, juste le temps de me calmer, c’est ce qu’il me dit avant de me raconter qu’il est triste car sa femme ne l’aime plus. Il dit aussi des choses que je ne comprends pas, il me touche avec ses grosses mains dégoutantes et me montre son zizi… Le cauchemar commence. Je suis pétrifiée, je ne peux plus bouger tellement j’ai peur. Au bout d’un long moment il me fait sortir de la voiture et me laisse partir. Je rentre vite à la maison qui est toute proche (selon Google Map c’est à 4min à pieds seulement). Je garderai le silence. J’ai appris 45 ans plus tard en discutant avec mon frère que ni ses copains ni lui n’avaient caché mon petit vélo bleu. Aujourd’hui mon frère et moi sommes convaincus que c’est l’homme qui avait caché le vélo et mon frère comprend mieux pourquoi j’ai tant changé durant l’été 1974. Je suis devenue distante et triste, j’avais perdu confiance. Même si je sais que je ne suis pas responsable de ce qui est arrivé, j’ai toujours un sentiment de honte.
J’ai vécu l’enfer.
— Témoignage Sandra, 50 ans
J’ai vécu 3 relations toxiques.
Le même schéma, la gentillesse au départ « tu es belle », et après c’est une réflexion parce qu’on n’a pas fait ci. Après c’est les brimades. On se dit qu’on le mérite. Après c’est les coups, et après les bouquets de fleurs. « Je m’excuse, je m’excuse, je ne recommencerai pas ». Bien sûr. Le dernier en pleine nuit s’est mis à me taper dessus parce qu’il pensait que je le trompais. C’était la surveillance permanente de ma façon de m’habiller, de mon maquillage. Je n’avais pas le droit de me couper les cheveux. Si ça n’allait pas j’avais droit d’être battue pour n’importe quoi, un mot, un regard. Tout était prétexte pour dire que je ne valais rien. Il me dévalorisait devant les autres, pour que je sois à sa merci. Il me faisait sentir coupable pour tout. Si j’arrivais avec 5minutes de retard j’avais droit au coup de poing dans le ventre. Tout ça a duré pendant 30 ans. Il y a eu des coupures où j’étais célibataire. Je retombais toujours dans des relations toxiques parce que je ne connaissais que ça. Ils me culpabilisaient par rapport à mon handicap. Je suis née avec une maladie, le syndrome de Turner. Problèmes cardiaques, osseux, musculaires, douleurs. J’aurais dû être en fauteuil depuis la naissance. J’ai vécu avec beaucoup de culpabilité. A cause de cette culpabilité je gardais tout pour moi. Je ne voulais pas poser plus de problèmes. Même quand mon instituteur m’a frappé avec une règle et m’a tiré l’oreille jusqu’au sang (j’ai fini aux urgences), je n’ai rien dit. C’est ma petite sœur qui en a parlé à mes parents. Je n’ai pas eu de violence dans ma famille mais j’ai connu la violence toute petite. A l’école on ne voulait pas s’asseoir à côté de moi de peur d’attraper ma maladie. C’est pour ça que je suis tombée dans le piège des hommes violents, parce que je voulais être aimée.
C’est la mort de ma mère qui m’a donné le déclic pour sortir de ces relations. Je me suis dit qu’on n’a qu’une seule vie. La vie est courte. Si je ne faisais pas l’effort de me battre je ne connaîtrais jamais le bonheur. Je pouvais lutter pour sortir de l’emprise des hommes violents. C’est long, c’est douloureux, c’est pénible. J’ai voulu sauter d’un pont. J’étais à la dérive je souffrais trop c’était le gouffre. J’ai été aidée par une association. Depuis 3 ans je suis aidée par 2 psychologues et une psychiatre.
J’ai parcouru beaucoup de chemin. Maintenant j’ai un nouveau compagnon, je suis fiancée, je suis apaisée au niveau du couple, je n’ai plus peur des bras de l’autre. Je n’ai plus peur de m’endormir en me demandant quand je vais recevoir des coups. Mais je combats la maladie. Les médecins ne me donnaient pas d’espoir ils pensaient que je ne serais plus là à 20 ou 30 ans. Je suis encore là et je me bats. J’appelle ma maladie (le syndrome de Turner) Tina car Tina Turner était une lionne et je suis une lionne aussi. Je ne peux plus travailler, mais je créé beaucoup, théâtre, photographie, et je vends des photos au profit de la Ligue contre le cancer (j’ai perdu 2 personnes de ma famille d’un cancer).
Ma mère me disait que j’étais un petit papillon, que j’étais un cocon et que quelque chose de beau allait en sortir.
Je dédie ce témoignage à toutes les femmes pour leur dire qu’elles peuvent s’en sortir et se retrouver, elles.
J’ai toujours eu espoir qu’il y avait des gens bons. Je recommence à sourire, je n’ai plus peur d’être moi-même.
L’inceste étouffe toute la lumière du monde. Je pensais avoir eu une enfance heureuse, je ne savais pas que j’étais atteinte d’amnésie. Lorsque la mémoire a commencé à resurgir à 39 ans, toutes mes fondations se sont effondrées. Revivre en boucle, comme un présent perpétuel, les incestes multiples subis quand j’étais toute petite a été dévastateur. Le cerveau n’arrive pas à archiver le traumatisme, il le déroule encore en encore. Terreurs nocturnes, attaques de panique, phobies, isolement social, agressivité, automutilation, dépression, la liste est longue. Toute ma famille en a subi les conséquences. Le couple a vacillé, mes enfants en ont souffert. J’ai développé la maladie de Ménière suite au stress post-traumatique. J’ai fait face à l’incompréhension, au tabou. Je mettais mal à l’aise. On m’a imposé de me taire au motif que j’allais faire souffrir les autres. On m’a dit que j’allais tuer mon père si je lui en parlais. Il a fallu se battre tous les jours pour réapprendre à voir la beauté du monde.
— Témoignage Aurélie, 43 ans
Les violences sexuelles sont un handicap invisible. Cela ne se porte pas sur le visage.
Le traumatisme complexe (violences répétitives et/ou survenues à un âge précoce) est très difficile à traiter. Je souhaiterais un meilleur accompagnement des victimes, par des personnes formées spécifiquement à ces problématiques. L’errance thérapeutique peut être longue. Je souhaiterais également une prise en charge renforcée des agresseurs pour lutter contre la récidive.
Il est avant tout indispensable de reconnaître les victimes, de les entendre et de les protéger. 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France, 90% ne sont pas crus, pas écoutés, pas protégés (rapport CIVISE 2023). Je cite pour finir un livre difficile à lire, mais tellement pertinent, Le corps n’oublie jamais, du psychiatre Bessel van der Kolk, 2021, Etude (Poche). Merci à cet auteur de m’avoir fait découvrir le neurofeedback, technique encore peu connue du grand public qui m’a apporté un réél mieux-être. Puisse chaque victime trouver de l’écoute et du réconfort. Merci de m’avoir lue.